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vendredi 25 février 2011

A l’heure des révolutions arabes, l’anticolonialisme s’invite à Paris

 La sixième édition de la Semaine anticoloniale se tient en ce moment à Paris. L’occasion d’interroger le colonialisme, un processus 
en évolution qui se perpétue sous d’autres formes sur l’ensemble du globe. Et de mettre en lumière luttes et expériences.
A ceux qui poseraient encore la question de la pertinence d’une semaine anticoloniale en France, cinquante ans après les indépendances, l’actualité offre une réponse illustrative. Il y a un mois, tandis que la révolte s’installait en Tunisie, la ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, proposait le «savoir-faire» des forces de sécurité françaises pour mettre un terme à la situation. Au-delà de l’ingérence, c’est également le parallèle avec l’essence de la colonisation qui frappe: la mission civilisatrice.
C’est dans ce contexte historique où les peuples prennent leur destin en main pour opérer une nouvelle décolonisation que s’ouvre la sixième édition de la Semaine anticoloniale. Dans une France dont le premier représentant disserte allègrement à Dakar sur ces anciens colonisés qui ne se seraient pas «entrés dans l’histoire», où une loi d’un certain 23 février 2005 exaltait le rôle positif de la colonisation et où l’on s’emploie, enfin, à ethniciser sans cesse la question sociale, l’anticolonialisme reste pertinent. La diversité des 50 associations qui composent le collectif organisateur de l’événement permet également d’avoir une vision assez large de ce qu’est l’anticolonialisme aujourd’hui.
Pour sa sixième année, la Semaine anticoloniale publie également un guide pratique d’anticolonialisme qui collecte quelques textes fondateurs, répertorie les différents mouvements et centres de ressources contemporains et livre également une bibliographie exhaustive. Dans la préface, Esther Benbassa, directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études, note que « les différentes activités de cette 6e Semaine anticoloniale sont là pour montrer que le colonisé ne fut pas que colonisé, sujet, aliéné, mais acteur de son histoire, qu’il sut aussi produire dans la souffrance sa propre culture, pour se tenir droit et la tête haute face à la domination».
De débats en concerts et pièces de théâtre, de Salon en manifestation, les organisateurs invitent à penser dans sa globalité le processus colonial. Un processus en évolution qui se perpétue sous d’autres formes en Palestine, au Sahara occidental ou au Sri Lanka avec le peuple tamoul; par le biais de l’aide humanitaire, de l’accaparement des terres et du pillage des ressources naturelles en Afrique et ailleurs. En Amérique du Sud, la création de l’Alliance bolivarienne des Amériques offre la perspective d’une répartition plus juste des richesses, mais également d’une monnaie d’échange de substitution au dollar. Toutes ces expériences, ces luttes, se rencontreront lors de cette nouvelle édition qui ouvre, par ailleurs, une série d’anniversaires qui ne manqueront pas de réactiver la guerre acharnée des mémoires: du massacre des Algériens d’octobre 1961 à Paris au putsch des généraux en avril de la même année à Alger. Autant d’événements qui nous rappellent, comme le souligne Esther Benbassa, que «le postcolonial, en France autant et peut-être plus qu’ailleurs, ramène d’emblée au politique dans la mesure où il interroge avec force l’identité nationale et le nationalisme».
Lina Sankari dans l’Humanité